Orchestre en bas âge, pianiste au bel âge



Une tournée printanière ramène à Paris le Gustav Mahler Jugend Orchestra cuvée 2001, sous la férule, cette fois, de Mariss Jansons. Il faut avoir moins de 26 ans pour faire partie de cette formation dont l’enthousiasme est déjà un bonheur pour l’auditeur. Que cette allégresse prenne parfois des allures un peu démonstratives n’a rien d’étonnant.

D’entrée, le Gustav Mahler Jugend Orchestra (GMJO) se lance à corps perdu dans une éblouissante ouverture d’Euryanthe de Weber dont les premières phrases pourraient, sans rien perdre de leur ardeur, être moins bousculées.
La tension baisse un peu dans le concerto pour piano de Robert Schumann. Mais il est vrai que Radu Lupu ne recherche jamais le spectaculaire et que son apparente désinvolture ne sert qu’à mieux cerner le trouble de ces pages, grâce à une sonorité pleine, riche, lumineuse, à un phrasé parfaitement délié, à un jeu qui, même dans les plus fougueux élans, conserve un minimum de distance. Au-delà de toute virtuosité, Lupu impose un Schumann rayonnant et conquérant. Et lorsqu’en bis il offre l’Adieu qui conclut les Scènes de la forêt, c’est avec la salle entière qu’il partage sa rêverie.
L’entracte passé, il faut redescendre sur terre, encore que les éblouissantes couleurs déposées par Ravel sur les Tableaux d’une exposition de Moussorgski ouvrent grand les portes d’un monde onirique et séduisant dont Mariss Jansons, habile conteur, possède la plupart des clés.

Menant ses troupes d’une poigne souriante, il leur permet de brosser chaque épisode avec un éclat presque trop soutenu ; tous les pupitres s’en donnent à cœur joie et les vents n’ont aucune peine à se faire remarquer. Les bis sont généreux. Les cordes donnent une couleur nostalgique et feutrée à la célébrissime Valse triste de Sibélius, l’orchestre dans son entier fait un sort à la Mort de Tybalt du Roméo et Juliette de Prokofiev enlevée avec un sens théâtral exacerbé et bien peu émouvante tant la performance l’emporte sur la musique. Mais le public est ravi, et ce léger péché de jeunesse est vite pardonné. En août et septembre prochains, Richard Strauss et Gustav Mahler seront au programme de GMJO, avec Ivan Fischer et Franz Welser-Möst, de Bolzano à Athènes, en oubliant, hélas, Paris.


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Michel Padrouty, le 9 avril 2001.